Animation solidaire à Abidjan
 
 
 

       Voilà maintenant plus d’une semaine que nous sommes arrivés à Yopougon, et il est temps de tirer un premier bilan. Nous nous livrerons ici à une analyse thématique concernant les points positifs (majoritaires), les limites, et les moyens que nous envisageons pour remédier à ces dernières.

Ce compte-rendu n’étant pas un énoncé chronologique de ce que nous avons fait chaque jour depuis notre arrivée, nous vous invitons à vous référer aux actualités du 12/07 au 21/7 sur notre site, période que couvre ce premier bilan hebdo.

 

Les animations au CAC

       Bien que nous soyons arrivés il y a plus d’une semaine, nous n’en sommes qu’aux débuts de l’animation au Centre Amis du Cœur.

En effet, nous avons comme prévu commencé les activités le troisième jour, le mercredi 15, car nous estimions (à raison) que les deux premières journées étaient nécessaires pour rencontrer les partenaires et s’occuper des quelques formalités et autres courses.

Mais contrairement à ce que nous souhaitions et avions compris, la journée de mercredi n’était pas le véritable lancement des activités, mais une rencontre avec la directrice et une animation simple et non préparée, destinée à « prendre la température ».

       De plus, la journée de vendredi était fériée, ce que nous ne pouvions prévoir que la veille au soir, cela dépendant de la position de la lune. Enfin, il est prévu par semaine quatre journées d’animation, la journée de lundi étant libérée, ce qui nous permet d’avoir le temps de préparer les animations, nos week-ends étant chargés.

Il en résulte qu’à ce jour, nous n’avons effectué que deux journées entières d’animation. En plus de cela, nous avons tout de même commencé l’atelier Court-métrage lundi matin pour rattraper le jour férié.

       Ces deux journées se sont globalement bien passées. Comme prévu, elles ont été divisées en deux séances de deux heures : une séance d’animations calmes et éducatives le matin, et une séance d’animations sportives l’après-midi. Nous sommes satisfaits de ces deux journées, et nous avons à la fin de chaque séance laissé des enfants contents des activités. Cependant, quelques difficultés se sont manifestées :

  • Premièrement, le nombre d’enfants. Cela recouvre deux difficultés : leur grand nombre, et l’irrégularité de celui-ci.

En effet, les enfants sont beaucoup plus nombreux par rapport à ce dont nous avons l’habitude (un peu moins d’une centaine le matin, et environ 130 l’après-midi, tout ça pour 6 animateurs), ce qui nous a créé des difficultés pour les canaliser. Pour essayer de pallier ce problème, nous avons premièrement décidé de séparer les enfants en trois groupes le matin, les activités éducatives demandant du calme. Ensuite, nous avons fait appel chaque jour à quelques routiers supplémentaires pour donner un coup de main, qui a été d’un grand secours. Depuis, nous avons eu beaucoup plus de facilité à gérer le nombre, mais il est peut-être trop tôt pour conclure à une véritable progression, celle-ci étant également dû à l’irrégularité du nombre d’enfants.

En effet, ils étaient aujourd’hui beaucoup moins nombreux que les deux dernières fois. L’irrégularité du nombre d’enfants nous force donc à l’improvisation et à des difficultés de planification.

  • Deuxièmement, le profil des enfants du CAC, très différent des enfants que nous avons l’habitude d’encadrer. Cela était à prévoir puisque les enfants dont nous avons la charge vivent dans des quartiers très précaires et n’étant pas systématiquement scolarisés. Cependant, nous n’avions pas imaginé une telle différence.

En premier lieu, les enfants sont plus turbulents et indisciplinés que ceux à qui nous avons habituellement à faire. Cela se manifeste dans le respect des règles établies : nous sommes confrontés à beaucoup plus de tricherie d’une part et de violence d’autre part qu’habituellement. La violence n’est que rarement méchante, et il serait plus juste de parler dans la plupart des cas de brutalité. Dans les grands jeux sportifs de prise que nous animons l’après-midi, les enfants ne se contentent bien souvent pas de se toucher mais se battent souvent pour s’amuser.

Cela nous a amenés à prendre comme objectif éducatif de canaliser l’agressivité des enfants en multipliant les jeux de ce genre en insistant bien au départ sur la prohibition de la violence  et en sortant du jeu les enfants violant cette règle. Nous avons observé aujourd’hui de grands progrès par rapport à la dernière fois, et nous comptons continuer dans cette voie.

De plus, les enfants ont des difficultés de compréhension qui nous étonnent. Des jeux qui marchent très bien en France ont ici complètement capoté car ils étaient trop complexes. Cela nous laisse sceptiques sur les activités éducatives du matin, car il est ardu de concilier grande portée éducative et simplicité, ou du moins nous n’en avons pas l’habitude. Cela s’est également manifesté lors des deux ateliers court-métrage animés jusqu’alors, ce qui nous amène à revoir nos attentes à la baisse : nous n’avons aujourd’hui pas exigé de travail d’écriture de la part des enfants, nous contentant de leur laisser le travail technique, ce qui a bien mieux marché.

Concernant l’atelier court-métrage, il convient de noter que malgré nos attentes revisitées, nous sommes satisfaits des deux séances réalisées et que nous restons confiants quant au résultat final, même si cela s’annonce plus difficile que prévu. De plus, cette activité en petit effectif a la vertu de nous permettre de développer une véritable relation avec les 13 enfants concernés.

 

L’accueil qui nous est fait

       Dire que nous sommes très bien accueillis est une expression bien faible, tant on nous a souhaité on ne peut plus chaleureusement une bonne arrivée toute la semaine durant. Entre les responsables du MESAD, les responsables de la région de Yopougon de l’Association des Scouts Catholiques de Côte d’Ivoire et les nombreuses connaissances de notre équipe de routiers associée, nous avons serré un nombre incalculable de paluches. Bien que documentés sur l’hospitalité qui est d’usage ici, nous nous faisons encore surprendre par l’accueil qui nous est fait.

Le plus surprenant est sans doute celui qui nous a été réservé dimanche à la Paroisse Saint Vincent de Paul. Cela a commencé avec la messe du matin, à l’issue de laquelle nous nous sommes présentés devant toute la communauté, réunie dans une grande Eglise archi-remplie, qui nous a réservé des tonnerres d’applaudissement. Nous y avons même été rebaptisés en direct par notre hôte (appelez nous désormais Gnango, Béké et Manlentin). Après la messe, nous avons eu droit à une séance de véritable photoshooting avec les scouts de la paroisse. Nous sommes ensuite allés en leur compagnie saluer les notables (le parrain de la paroisse ainsi qu’un doyen du « village »), qui nous ont à leur tour chaleureusement et solennellement accueillis. S’est ensuivie une animation de chants et de percussions par les routiers, qui nous a cloués sur place tant elle était impressionnante, bien que non préparée.

       Cependant, il s’agit d’évoquer les bémols à cet aspect très positif de cette première semaine. En effet, ces derniers jours, notre sentiment quant à ces accueils a été partagé. Partagé entre l’agréable surprise et l’émotion qu’ils provoquent, comme ce fut le cas au début, et un ressenti plus négatif apparu à la longue, un sentiment à la fois de lassitude et de gêne.

De gêne car il n’est pas forcément agréable de se retrouver au centre de l’attention. Pourtant, nous nous attendions évidemment à cela, mais l’accueil  a parfois pu paraître excessif, en ce sens que sa grandiloquence nous laissait apparaître de grandes attentes placées en nous et notre projet, provoquant par conséquent le sentiment de ne pas être à la hauteur.

De lassitude car ces cérémonies se sont répétées toute la semaine, et que cette importance peu habituelle accordée à nos personnes est difficile à assumer.

Il convient d’ajouter pour conclure que si les sentiments évoqués sont compréhensibles, ils résultent sans aucun doute d’un choc culturel, l’expérience n’étant évidemment pas vécue de la même manière par nos partenaires, et qu’il s’agit par conséquent d’être prudent pour pouvoir différencier ce qui relève effectivement de l’excès de ce qui est normal et justifié, et éviter ainsi un quiproquo interculturel.

 

Vie avec le partenaire

       Nous sommes donc en double partenariat : nous agissons avec une équipe de routiers de l’ASCCI dans le cadre d’un programme du MESAD.

Le partenariat est très bien mis en place, et l’organisation qui a été faite pour nous accueillir nous a surpris par sa précision. Le projet, s’il est piloté par l’équipe franco-ivoirienne de 6 jeunes, est suivi par deux adultes référents de chaque association : Guy pour le MESAD, et Arsène pour l’ASCCI. Ces deux personnes sont toujours présentes pour répondre à nos sollicitations tout en veillant à ne pas être intrusives. De plus, un dispositif très organisé est en place pour assurer notre sécurité lors des sorties. Tout est donc fait pour que le projet se déroule au mieux.

       Nous vivons donc au quotidien avec notre équipe de trois routiers associée. Cela se passe globalement très bien, et chacun profite et apprend de la différence de l’autre dans le travail au CAC et en amont, dans la vie quotidienne et dans les sorties. Cette très bonne entente est cependant altérée ça et là par quelques tensions et malentendus liés aux différences culturelles, dont l’expérience est à la fois incroyablement riche et incroyablement complexe. Nous nous efforçons donc d’évoquer ces points calmement et régulièrement, ce qui a jusqu’ici toujours bien fonctionné. Espérons que cela continue ainsi, ce pourquoi nous sommes très confiants.